Appel à communication Je EFiGIES « Genre, santé, sexualités : de l’injonction aux résistances »

Les institutions mondiales, européennes et françaises de santé construisent leurs politiques publiques autour d’une vision positive et idéalisée de la santé comme « un état de bien-être physique, mental et social et [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité[1] ». Cette définition amène à s’interroger sur les questions de sexualités, de précarités, d’inégalités, de discriminations et de violences au prisme du genre.

Pourtant, les discours et les injonctions à une « bonne santé » et à une « bonne sexualité », qui seraient gages d’épanouissement et de bien-être, tout comme les dispositifs et les pratiques censées les favoriser, sont sous-tendus par des normes de genre qui peuvent aller à l’encontre de ces objectifs. Cette journée d’étude propose ainsi d’interroger ce paradoxe et sera consacrée aux articulations entre genre, santé et sexualités. L’appel à contribution s’adresse à des jeunes chercheuses et chercheurs (étudiant·e·s en master, doctorant·e·s, post-doctorant·e·s) et se veut résolument pluridisciplinaire. Différents axes de recherche, non exhaustifs, ont été dégagés.

La santé, (nouvelle) morale sexuelle ?

La science a aujourd’hui la capacité d’expliquer le fonctionnement du corps ainsi que l’origine et la transmission des maladies, et l’on pourrait donc penser que la médecine n’est plus le terrain de la morale. Cependant, des discours non scientifiques, voire moraux, occupent encore un terrain que l’on penserait dévolu à la médecine et cette dernière n’est elle-même pas exempte de moralisation. Le sida punirait ceux qui pratiquent la sodomie, ou bien, sur un autre plan et avec d’autres enjeux, des praticiens de la médecine ne laissent pas le choix de leur contraception à certaines patientes (refus de pose d’un stérilet pour cause de vie sexuelle non « stable »). Ils peuvent  aussi refuser de pratiquer l’IVG pour des raisons personnelles, religieuses ou morales (objecteurs de conscience). Ces pratiques et ces discours jouent sur la culpabilité des sujets qui échappent à une sexualité normative et aujourd’hui encore les IST (infections sexuellement transmissibles) peuvent être considérées comme des sanctions frappant les individu·e·s en raison de leurs « turpitudes » et de leur sexualité hors-norme.

Dans cet axe, il s’agit d’interroger non seulement les représentations des infections et des patient·e·s atteint·e·s d’IST mais plus largement la santé en tant que morale sexuelle. L’importance donnée au maintien de la santé physique et sexuelle est-elle susceptible de s’appuyer, volontairement ou non, sur l’inculcation d’une morale implicite ? Dans quelle mesure ce phénomène est-il perceptible dans les discours médicaux ? Et plus largement dans les campagnes de sensibilisation et de prévention liées à la sexualité, dans les cours d’éducation sexuelle délivrés au collège et au lycée ?

Sexisme et hétérosexisme du regard médical et scientifique

De nombreuses vérités médicales se sont succédées au cours des derniers siècles, dont certaines peinent à s’estomper : l’hystérie serait une maladie spécifiquement féminine, les hommes auraient des besoins sexuels plus importants que les femmes, la matrice (l’utérus) serait un pénis retourné et inversé à l’intérieur du corps, etc.

Nous aimerions dans cet axe aborder le sexisme et l’hétérosexisme à l’œuvre dans les sciences tant sur le plan des représentations scientifiques et des recherches entreprises que sur celui des rapports entre soignant·e·s et soigné·e·s. Les communications pourront aborder la prise en compte des spécificités des corps et de la santé des femmes, l’hétéronormativité de la prise en charge médicale des corps trans ou intersexués, la méconnaissance et la stigmatisation des pratiques, des plaisirs et des risques spécifiques aux sexualités dissidentes[2], mais aussi le tabou entourant les pratiques sexuelles des personnes handicapées et des personnes affectées par une maladie de longue durée. D’autres questions peuvent être également abordées, notamment les pratiques sexuelles ou les normes relatives à une bonne santé pendant la grossesse. Les contributions mettant en valeur les formes de résistances vis-à-vis des injonctions médicales et thérapeutiques et de réappropriation des savoirs scientifiques concernant le corps et la sexualité ainsi que les critiques féministes et queer du monde médical sont également les bienvenues.

 Discriminations, inégalités et justice sociale

Ne pas se conformer aux injonctions normatives de genre, de sexualité et de santé, c’est s’exposer, ou se retrouver exposé·e à des discriminations qui relèvent de la reconnaissance citoyenne et qui prennent place dans l’espace public. Il en va ainsi de l’accès aux soins et à la prévention en matière de santé, souvent conditionné par les orientations de genre et de sexualité et également influencé par les localisations géographiques. Il en va de même de la question des mobilités et des pratiques urbaines, tout comme de l’accès à l’espace public : ne sort pas qui veut, où, quand, comme il·elle le souhaite.

L’analyse de ces discriminations amène à s’interroger sur les possibilités pour chacun·e de mener sa vie quotidienne sans entraves, tout comme sur les buts et les enjeux des politiques publiques. Pour qui sont pensées ces politiques ? En quoi orientent-elles les définitions de genre, santé et sexualités ? Quelles mesures sont prises ou non pour garantir un accès à l’espace citoyen en toute sécurité ? Enfin, le rôle joué par les aménagements urbains et architecturaux est également à l’ordre du jour : en quoi l’agencement des différents lieux et espaces (domestique, urbain, public, carcéral, etc.) impose-t-il des normes implicites en matière de genre, santé et sexualité ? Dans cette optique, les questions – aux enjeux multiples – du travail du sexe et du système prostitutionnel ainsi que de la santé de leurs différents acteur·trices·s pourront être mises en perspective.

L’analyse critique des actions menées par ces politiques publiques, tout comme celle des situations de discriminations vécues au quotidien permettra également de relever comment ces discriminations de genre, santé et sexualité s’imbriquent de façon étroite avec d’autres types d’inégalités.

Violences, sexualités et santé

S’exerçant au sein des espaces, privés, publics et professionnels, les violences sexuelles prennent différentes formes : agressions, harcèlement, mutilations, viols, esclavagisme sexuel etc. Ces violences ont des répercussions importantes sur la santé tant physique que psychologique des victimes: comment ces conséquences se manifestent-elles ? Comment les violences sexuelles impactent-elles la sexualité des victimes ? Comment ces effets sont-ils pris en charge par les organismes de santé ? Et a contrario, comment les institutions juridiques, carcérales et médicales encadrent-elles et prennent-elles en charge la sexualité des auteur·e·s de violences sexuelles ?

Par ailleurs, femmes, lesbiennes, gays, trans’ sont exposé·e·s de manière fréquente à différentes violences (hétéro)sexistes, homophobes et sexuelles. De l’injure aux viols « correctifs », qui visent à punir la sexualité supposée des victimes, différents mécanismes sociaux violents se mettent en place dans le but de guérir l’individu·e de sa « déviance ». Le rôle des organismes de soin dans ces réassignations à l’œuvre sera alors à examiner.

Résistances et appropriations

Contraints par des normes, des injonctions voire des oppressions, sexualités et genre deviennent-ils des lieux de résistance allant jusqu’à mettre en jeu la santé  des individu·e·s ? Dans quelle mesure résister ou se réapproprier des normes de sexualité et de genre revient-il à en faire de même avec celles de santé ? Dans cet axe, nous nous intéresserons aux revendications de santé des femmes, des gays, des lesbiennes, des bisexuel·le·s, des trans’, des intersexué·e·s, des queers, des « putes » et acteur·ice·s pornos. Quid de la santé sexuelle des asexuel·le·s ? Considérant que les luttes minent aussi la santé (fatigue, stress et parfois exposition physique des militant·e·s), comment soignent-ils·elles leurs forces, développent-ils·elles ou non en interne des pratiques de care ? Les stages d’autodéfense en font-ils partie ? Résister à des sexualités normatives, c’est-à-dire développer des sexualités queer, inclut les résistances hétérosexuelles à la norme et ne se joue pas dans un opposition straight/queer : résister, c’est aussi s’émanciper ou détourner des représentations, des pratiques, des objets, des lieux conventionnels et hégémoniques. Ces mouvements déplacent les enjeux de santé et créent un décalage entre les individu·e·s, leurs besoins, les institutions médicales, les associations, les savoirs et contrôles sanitaires. On peut citer parmi ces mouvements : les lieux de drague extérieurs, le développement d’Internet et des cybersexualités, etc. Internet est-il le nouveau préservatif ? Nous attendons aussi des communications ayant trait à la culture visuelle, dont les pornos féministes, queer et do it yourself : comment la santé est-elle prise en compte dans et hors champ ?

 

 

Bibliographie

Bajos N. et Bozon M., Enquête sur la sexualité en France : pratiques, genre et santé, Paris, La Découverte, 2008.

Bajos N., Ferrand M. et l’équipe Giné. De la contraception à l’avortement : sociologie des grossesses non prévues. Paris, Inserm, 2002.

Canguilhem G., Le Normal et le pathologique. Paris, PUF, 1966.

Chaperon S., Les Origines de la sexologie (1850-1900), Paris, Audibert, 2007.

Chetcuti N., Jaspard M., Violences envers les femmes : trois pas en avant deux pas en arrière, Paris, l’Harmattan, 2007.

Coennen M. T., Knibiehler Y., Corps de femmes : Sexualité et contrôle social, Bruxelles, De Boeck, 2002.

Foucault, Michel. Histoire de la sexualité : la volonté de savoir. Paris, Gallimard, 2000.

Foucault, Michel. Histoire de la sexualité : l’usage des plaisirs. Paris, Gallimard, 1997.

Freidson E., La Profession médicale, Paris, Payot, 1984.

Gayle R., Surveiller et jouir. Anthropologie politique du sexe, textes rassemblés et édités par Mesli R., Paris, Epel, 2011.

Hubbard P., Cities and sexualities, London, Routledge, 2011.

Jonhston, L., Longhurst R., Space, Place and Sex. Geographies of sexualities, Plymouth, Rowman & Littlefield, 2010.

Laqueur T., La Fabrique du sexe : essai sur le corps et le genre en Occident, Paris, Gallimard, 1992.

Lieber M, Genre, violences et espaces publics, la vulnérabilité des femmes en question, Paris, Presse de Sciences-Po, 2008.

Mort F., Dangerous sexualities : medico-moral politics in England since 1830, Londres, Routledge, 1987.

Parizot I., Soigner les exclus. Paris, PUF, 2003.

Shorter E., Le Corps des femmes, Paris, Le Seuil, 1984.

 

Comité d’organisation 

 Adeline Adam (Doctorante sous contrat, CERILAC, Paris 7), Karine Duplan (Doctorante en géographie, ENeC, Paris-Sorbonne), Lola Gonzalez-Quijano (Docteure, Gustave Roussy, URSHS), Guillaume Roucoux (Doctorant GSRL-EPHE / Paris 8-LabTop-CEFEG), Marie-Sherley Valzema (Doctorante en sciences de l’information et de la communication, Paris 3, Labo CIM).

 

Modalités de participation

 La journée se déroulera le 6 décembre 2013 à Paris. Le lieu exact sera précisé ultérieurement.

 Les propositions de communication de 30 lignes maximum doivent être envoyées au plus tard le 15 août 2013 à l’adresse : [email protected]

Elles doivent être adressées en affichant en objet du mail nom, prénom et JE2013. Les pièces jointes doivent nous parvenir en format doc. avec indications des noms, prénoms, disciplines et rattachement universitaire s’il y a lieu.

Le choix des communications sera communiqué le 15 septembre 2013.

 




[1] Voir OMS, préambule à la Constitution de l’Organisation mondiale de la Santé, adopté par la Conférence internationale sur la Santé, New York, 19-22 juin 1946, Actes officiels de l’Organisation mondiale de la Santé, n°2, p. 100, 1946. Ce texte est entré en vigueur le 7 avril 1948.

[2] Gayle Rubin, « Thinking Sex. Notes for a Radical Theory of the Politics of Sexuality », in Carole Vance (ed.), Pleasure and Danger. Exploring Female Sexuality, 1984. Repris en traduction française dans Gayle Rubin, Surveiller et jouir. Anthropologie politique du sexe, textes rassemblés et édités par Rostom Mesli, Epel, 2011.

 

2006 : Histoire des masculinités

22 septembre 2006
Journée d’études doctorale
« Histoire des Masculinités en France, état des recherches (1789-1945) »

En collaboration avec l’École doctorale d’histoire de l’Université Paris I – Panthéon Sorbonne, le Centre de recherches en histoire du XIXe siècle (Université Paris I – Panthéon Sorbonne / Université Paris IV – Paris Sorbonne), l’Université de Caroline du Nord à Wilmington (Etats-Unis), l’association pour le développement de l’histoire des femmes et du genre Mnémosyne, l’Observatoire de la Parité, le RING, et l’association EFiGiES.

 

Comité scientifique :

Robert Aldrich (The University of Sydney, Australie), Christine Bard (Angers), Marc Boninchi (Lyon III), Raphaëlle Branche (Paris I), Sylvie Chaperon (Toulouse II), Philippe Chassaigne (Tours), Cécile Dauphin (EHESS), Nicholas Dobelbower (Macalester College, Etats-Unis), Pascale Goetschel (Paris I), Carol E. Harrison (University of South Carolina, Etats-Unis), Julian Jackson (Queen Mary University of London, Royaume-Uni), Dominique Kalifa (Paris I), Marie-Anne Matard-Bonucci (Versailles), Pascal Ory (Paris I), Kevin Passmore (Cardiff University, Royaume-Uni), William Poulin-Deltour (Middlebury College, Etats-Unis), Christophe Prochasson (EHESS), Michèle Riot-Sarcey (Paris VIII), Rebecca Rogers (Strasbourg II), Vernon A. Rosario (University of California Los Angeles, Etats-Unis), Odile Roynette (Besançon), Lawrence R. Schehr (University of Illinois at Urbana-Champaign, Etats-Unis), Pauline Schmitt-Pantel (Paris I, sous réserve), Naomi Segal (University of London, Royaume-Uni), Michael D. Sibalis (Wilfrid Laurier University, Canada), Anne-Marie Sohn (ENS LSH Lyon), Judith Surkis (Harvard University, Etats-Unis), Florence Tamagne (Lille III), Christelle Taraud (Reid Hall), Fabrice Virgili (Paris I), Michelle Zancarini-Fournel (IUFM Lyon).

Comité d’organisation :

Edward T. Costello (resident director du Illinois Program in Paris / North Carolina Consortium of Universities, Etats-Unis), Déborah Gutermann (doctorante en histoire contemporaine, Paris VII), Gil Mihaely (docteur en histoire contemporaine, EHESS), Régis Revenin (doctorant en histoire contemporaine, Paris I).

APPEL À CONTRIBUTIONS

L’histoire des femmes et du genre, mais également l’histoire des sexualités, et plus particulièrement les études lesbiennes et gays, ont permis l’émergence d’une réflexion historique sur les hommes, non pas pensés comme un universel, mais en tant qu’êtres sexués. Natalie Zemon Davis et Joan Wallach Scott ont, les premières, défini, en histoire, le genre comme une construction culturelle et sociale de la différence des sexes. Cette avancée épistémologique majeure a permis que se développe une lecture sexuée des événements et des faits historiques, articulée autour des notions de domination et de pouvoir. Les cinq volumes de L’Histoire des femmes en Occident (1991-1992) sous la direction de Michelle Perrot et de Georges Duby rendent compte de cette nouvelle approche.
Dans cette optique, nous nous proposons d’organiser une journée d’études pluridisciplinaire dans ses approches sur l’état des recherches en histoire des masculinités en France entre 1789 et 1945. Nous nous intéresserons aux constructions, discours, pratiques et représentations des masculinités et à leur articulation avec les autres dimensions identitaires. Les relations entre les femmes et les hommes, le rôle que ces dernières ont pu jouer dans les processus identitaires masculins, ainsi que le rapport aux normes et la définition conjointe des déviances et des marges, tout autant que le rapport à l’ « événement », seront abordés, notamment par le biais des outils d’analyse et d’interprétation tels que l’âge, l’appartenance ethnique, la classe sociale, l’orientation sexuelle, ou bien encore la pratique religieuse…
La proposition de communication devra comprendre une présentation dactylographiée et titrée du projet en trois cents mots (environ une page) : problématiques, hypothèses, corpus de sources. L’auteur-e de la proposition joindra également un court cv précisant son statut, son rattachement institutionnel, et, éventuellement, une liste de publications antérieures. Elle/il veillera également à fournir une adresse électronique. Les propositions émanant de jeunes chercheur·e·s, tout particulièrement de doctorant·e·s, sont vivement encouragées.

 

PROGRAMME

9h15 : Introduction, par Judith SURKIS (Harvard University).

9h30 : Amours, sexualités & guerre
Présidence : Fabrice VIRGILI (CNRS-Paris 1).
Anne-Claire REBREYEND : Perturbation dans le genre ? Une histoire d’amour sous Vichy.
Patrice ARNAUD : Les liaisons amoureuses franco-allemandes des requis et prisonniers  transformés dans le IIIe Reich : du mythe du Français séducteur à l’inversion du genre.

11h : Travail & masculinités
Présidence : William POULIN-DELTOUR (Middlebury College).
Juliette RENNES : Méritocratie et virilité, un impensé de la République : France, 1880-1940.
Gil MIHAELY : Un poil de différence : masculinités dans le monde du travail, années 1870-1900.

14h : Justice, normes & violence
Présidence : Philippe CHASSAIGNE (Tours).
Bruno HERVE : La Terreur au secours de la masculinité ? : Reconstructions, discours et représentations des masculinités par la justice révolutionnaire à Nantes, novembre 1793-février 1794.
Nicholas C. DOBELBOWER : Le topos pénitentiaire et la sexualité masculine sous la Restauration.

15h30 Catholicisme & masculinités
Présidence : Anne-Marie SOHN (ENS-LSH Lyon).
 Paul AIRIAU : Le prêtre catholique : masculin, neutre, autre ?.
 Sophie HEYWOOD : Petits garçons modèles : la masculinité catholique à travers l’oeuvre de la comtesse de Ségur.

17h Altérité, ethnicité & masculinités
Présidence : Vernon A. ROSARIO (University of California Los Angeles).
 Carol E. HARRISON : Ethnographie française et masculinité dans la mer du Sud à l’époque de la Révolution.
Julie GAUCHER : L’écriture de la masculinité noire dans les romans sportifs, 1918-1945.

18h15 : Conclusion, par Alain CORBIN (Paris 1)

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