Queer et Psychanalyse

Atelier Genre et Psychanalyse (à réactiver)

Présentation

Par théories et cultures queer, on entend un chantier récent de travail portant sur la culture propre aux minorités sexuelles aux Etats Unis. Il s’agit de l’ensemble des problématiques, des questions voire des revendications dont ces groupes se sont fait le porte parole. Le terme queer signifie en anglais bizarre, étrange, voire fou et il était utilisé comme un insulte qu’on adressé aux personnes homosexuelles et à tous ceux dont l’orientation sexuelle ne se conformait pas aux formes établies par l’hétéronormativité. Ce terme a actuellement été repris et re-utilisé, donc réapproprié et résignifié pour indiquer une branche d’études qui approche la condition sociale, culturelle, politique voire anthropologique des minorités sexuelles. Il ne s’agit pas de revendiquer une quelconque identité figée et renfermée sur elle-même, mais de penser une déconstruction de toute approche identitaire et identificatoire. Queer serait alors une « identité sans essence », selon l’expression de D. Halperin.

En touchant aux thèmes de l’identité (aussi comme processus d’identification), de la norme (norme symbolique et norme hétérosexuelle) et surtout de la sexualité, ce domaine de recherche et d’expérience concerne de près la psychanalyse, l’anthropologie, la philosophie et, plus en général, le débat culturel de notre époque contemporain. Qu’est-ce qui s’est produit en effet il y a quelques années en France autours du débat sur les PACS ou sur l’homoparentalité ?

Nous identifierons trois points privilégié que les études de genre et queer nous poussent à re-définir : sexualité, identité et norme en tant qu’ils dessinent l’espace et les limites de la performativité du sexe et du genre. C’est donc le performatif, entendu comme réitération des normes, des pratiques répétées, codées – donc socialement instituées, qui permet d’articuler et de réarticuler les formes et les modalités d’assomption du sexe, irréductibles aux identités rigides dans les différents discours ontologiques ont figé la différence des sexes.

Notre itinéraire sera donc d’aller de la priorité incontestée et prétendument incontestable de la différence des sexes qui ordonne la sexualité au « voisinage des sexes », selon l’expression de Prokhoris. Il s’agira donc de prendre en compte le caractère historique et non pas éternel et inquestionnable des normes qui disposent l’ordre sexuel et symbolique en résignifier donc leur valeur intrinsèque. Nous suivrons ainsi ce défi dessiné par J. Butler dans son livre sur la matérialité et la matérialisation des corps : « Pour que soit pensable une telle résignification du symbolique, il faudra en transformer la définition et l’appréhender comme la régulation temporelle de la signification et non comme une structure quasi permanente » (J. BUTLER, Ces corps qui comptent. De la matérialité et des limites discursives du ‘sexe’, Amsterdam,  2009, p. 36).

Si donc sexualité et pouvoir sont intimement liés, la théorie et la pratique queer consistent à démasquer toute ontologisation de la loi (son aspect autoritaire et hétérosexuel) en montrant qu’elle est bien un processus de production et d’institution comme telle toujours modifiable. Nous terminons en évoquant ce paradoxe incontournable de l’assujettissement qui résonne pourtant chez Butler comme le lieu concret d’un agir transformateur et comme possibilité de reformulation continuelle de la loi. « Le paradoxe de l’assujettissement est précisément que le sujet qui veut résister à ces normes est lui-même capable de le faire en vertu de ces normes, voire est produit par elles » (ibidem, p. 30). Sommes-nous face au paradoxe de la création instituante auquel désormais même le symbolique et son prétendu ordre sexuel ne pourront plus se soustraire ?

Le but de cet atelier est de se confronter à des questions brûlantes et actuelles (PACS, homoparenté, nouvelles formes de famille, redéfinition de la normesymbolique) à la lumière des perspectives de genre et queer. Comment de-ontologiser les discours culturels ambiants (de la psychanalyse, àl’anthropologie et à la philosophie) nous permettant de penser de nouvellesformes possibles d’existence et de lien humain ? Le matériel de départsera la lecture des textes et/ou la vision de films ou documentaires.

Coordination (2010) : Caterina Réa