Genre, santé, sexualités : de l’injonction aux résistances

Journée d’études EFiGiES

Genre, santé, sexualités : de l’injonction aux résistances

Vendredi 6 décembre 2013 — CNRS (site Pouchet) Paris

organisée par Adeline Adam, Karine Duplan, Lola Gonzalez-Quijano, Guillaume Roucoux, Sherley Valzema

Avec le soutien du GIS Genre, du Cerilac, de l’ANEF, de l’URSHS de Gustave Roussy, de l’observatoire de l’égalité femmes/hommes de la Mairie de Paris, du Pôle Egalité Femmes Hommes (PEFH) de l’Université Paris 7

 

Les institutions mondiales, européennes et françaises de santé construisent leurs politiques publiques autour d’une vision positive et idéalisée de la santé comme « un état de bien-être physique, mental et social et [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité1 ». Cette définition amène à s’interroger sur les questions de sexualités, de précarités, d’inégalités, de discriminations et de violences au prisme du genre. Pourtant, les discours et les injonctions à une « bonne santé » et à une « bonne sexualité », qui seraient gages d’épanouissement et de bien-être, tout comme les dispositifs et les pratiques censées les favoriser, sont sous-tendus par des normes de genre qui peuvent aller à l’encontre de ces objectifs. Cette journée d’étude propose ainsi d’interroger ce paradoxe et sera consacrée aux articulations entre genre, santé et sexualités.

Appel à communication au format pdf, disponible ici

PROGRAMME

Disponible au format pdf ici

9h45-12h : Soignez cette anormalité dont je ne saurais souffrir

  • Kira Ribeiro, «La santé (sexuelle) en procès: le genre dans la criminalisation

    du VIH»

  • Romain Amaro, « Diluer la santé mentale et sexuelle des gays dans les rites d’injection de drogue de synthèses »

  • Pierre Brasseur, « Assister la sexualité de la personne en situation de handicap : retour autour d’une controverse »

  • Michal Raz, « Sexisme et hétéronormativité dans la prise en charge médicale des intersexuéEs »

Pause déjeuner offerte

14h-15h45 : Contrôle et droits reproductifs

  • Anaïs Garcia, « Planification familiale et contrôle de la reproduction des femmes indigènes guatémaltèques »

  • Yira Lazala, « Tensions politiques des discours de la presse espagnole sur les droits sexuels et reproductifs des femmes latino-américaines (2002-2012) »

  • Mona Claro, « Les femmes entre injonction à la maternité et « culture de l’avortement » en Russie soviétique (1955-1991) »

16h15-18h : Prescriptions, résistances et réappropriations

  • Florys Castan, « Les activités physiques et sportives féminines (milieu du XIXe s -1945): proscriptions, prescriptions et résistances »

  • Stéphanie Pache, « Le mouvement des psychologues féministes américaines : nouvelle injonction à la santé ou forme de résistance? »

  • Cinzia Greco, « Résistances et appropriations : le corps mastectomisé »

18h : Conclusion de la journée

à partir de 19h30 : soirée festive à La Mutinerie (entrée libre et restauration sur place)
 
Résumé des communications

Kira Ribeiro – Paris 8 LabTop CEFEG GRAL : La santé (sexuelle) en procès : Le genre dans la criminalisation du VIH

Kira Ribeiro montre comment la politisation du VIH/sida – inspirée de celle de la syphilis – s’est effectuée en deux temps en France, dans deux perspectives différentes.  Au début des années 1990, alors que la trithérapie n’existe pas encore, les politiques s’expriment en faveur d’un enrayement de l’épidémie couplé à une défense nationale par la responsabilisation des porteurs du virus. L’opposition et les associations de lutte contre le sida ne l’acceptent pas. Elles y voient une stigmatisation des personnes séropositives et lui préfèrent une politique préventive. Puis, en 2004, sous l’impulsion de l’association Femmes Positives, la controverse reprend sous des termes différents. D’après ces dernières, la transmission du VIH est une violence faite aux femmes, ce qui sous-entend d’une part que les transmissions sont des actes volontaires de nuisance interindividuelle, et d’autre part qu’elles ne concernent que des couples hétérosexuels au sein desquels les hommes sont coupables et les femmes victimes. Au terme d’une comparaison entre ces deux périodes, Kira Ribeiro montre que la criminalisation de la transmission du VIH aggrave la vulnérabilité des femmes séropositives, plus qu’elle ne les protège, du fait qu’elle repose sur une représentation patriarcale des femmes comme passives, fragiles et dénuées de toute capacité d’agir.

Michal Raz – CERMES3 : Sexisme et hétéronormativité dans la prise en charge médicale des intersexuéEs

Michal Raz présente de manière extensive son analyse d’études scientifiques sur le suivi de personnes diagnostiquées avec une Hyperplasie congénitale des surrénales (HCS) en France, règlementé par des normes de genre et d’hétérosexualité reproductive. En raison de critères difficiles à remplir, les enfants intersexués sont plus souvent assignés filles, et soumis à un dispositif médical pour s’assurer de leur devenir femme et mère. Bien que certaines désirent avoir des enfants, d’autres n’ont pas de relations sexuelles, les vivent dans l’inconfort en raison d’opérations mutilantes ou méconduites, développent des préférences sexuelles envers d’autres femmes voire s’identifient à un autre genre. En ce qui concerne les hommes, leur sexualité s’évalue au regard de leurs rapports sexuels pénétratifs vaginaux. Or leurs résultats (une non-pratique) n’aboutissent pas non plus à ceux espérés par les médecins. Au regard de premiers résultats, des études plus récentes comme celle de Frédérique Gastaud en France accorde plus de place à d’autres activités sexuelles, et montre une corrélation entre l’absence de rapports et le nombre d’opérations subies. Cependant et malgré ces études, les objectifs des chirurgiens restent peu clairs entre esthétique et effectivité. L’idée d’un échec médical se profile d’autant plus que le « risque trans’ » perçu par ces derniers se concrétise pour une « minorité » de personnes intersexuées. Au final, intersexuation, homosexualité et transsexualité se retrouvent ensemble pathologisées au regard du taux d’hormones administrées ou produites. Ces expérimentations médicales visant la normalité, mais qui rendent d’autant plus difficile la sexualité, interrogent quant à leurs effets sur la santé des individu-e-s concerné-e-s ou la négligence  qu’elles pourraient éventuellement générer.

Cinzia Greco – EHESS/CERMES3 : Résistance et réappropriation : le corps mastéctomisé

La mastéctomie est une procédure chirurgicale qui concerne actuellement 30% des patientes atteintes d’un cancer du sein. Cette procédure qui aboutit à un corps asymétrique à un sein, ou à un corps sans seins, est couramment présentée comme une violation de l’intégrité du corps de la patiente. La réponse à cet état de fait est l’encouragement par le corps médical à la reconstruction de la poitrine. Cette reconstruction n’est pas motivée par des raisons cliniques et le choix revient donc théoriquement à la patiente. Cependant, le corps asymétrique ou sans seins est pathologisé à travers le discours et les pratiques médicales, et les normes de genre liées à l’assignation à un sexe, à une injonction à la désidérabilité et à l’hétérosexualité reproductive pèsent sur ces patientes. Alpha et Beta, sont des associations situées en Ile-de-France qui soutiennent les femmes ayant subi une mastectomie ; elles se concentrent sur la possibilité de ne pas recourir à une reconstruction. Alpha veut donner de la visibilité à ces corps différents par l’intermédiaire de l’art, grâce des expositions sur le thème de l’asymétrie. Elle n’a presque aucun lien avec la sphère médicale car le corps médical perçoit ses activités comme une tentative de stopper le progrès médical, progrès qui semblent donc fortement lié à un retour dans la norme. Beta s’occupe des patientes au niveau individuel en insistant sur le droit d’être à l’aise dans un corps asymétrique. Les entretiens montrent que la profession médicale présente la reconstruction de la poitrine comme le moyen d’avoir une vie normale à nouveau. Cependant, les changements corporels lors du traitement sont nombreux et la reconstruction ne passe pas simplement, voire pas du tout, par le fait de retrouver une poitrine symétrique et conforme aux canons de beauté. Ces normes, relayées et reconduites par une partie du corps médical, invisibilisent le processus de reconstruction, qui est plus général et qui aboutit à des changements radicaux dans l’attitude face à la vie.

Anaïs GarciaToulouse 2 Le Mirail LISST-CAS : Planification familiale et contrôle de la reproduction des femmes indigènes guatémaltèques

Au sein des politiques de santé publique, Anaïs Garcia propose de s’interroger sur la place des femmes indigène au Guatemala. La stérilisation est alors un outil de contrôle du corps re-producteur visant à endiguer une population pauvre et indigène croissante, susceptible de déstabiliser la société guatémaltèque. La protection du territoire nationale nécessite la mise en œuvre d’une planification familiale afin de contrôler les naissances. D’une part, au sein de ces dispositifs, les individus sont dénués de toute forme d’agentivité, d’autre part, le corps des femmes devient un lieu pour instituer ces nouvelles normes procréatives, tandis que les vasectomies, sont, quant à elles, très peu prescrites. Ces nouvelles normes procréatives non seulement impactent les corps mais laissent également des traces, parfois indélébiles. En effet, les stérilisations féminines sont lourdes et risquées. « Cette appropriation autoritaire et collective du corps des femmes indigènes fait écho au cas des violences sexuelles du conflit armé ».

Mona Claro – EHESSLes femmes entre injonction à la maternité et « culture de l’avortement » en Russie soviétique (1955-1991)

Mona Claro s’intéresse aux différentes évolutions de la législation en matière d’avortement en Russie soviétique et sur le rapport des femmes à ces différentes législations. En adoptant une perspective féministe critique, Mona Claro montre comment la question de l’avortement ne peut se réduire à une avancée émancipatoire telle que les discours féministes occidentaux l’ont défendue. Elle déconstruit ainsi de façon critique la façon dont les sciences sociales ont massivement décrit une supposée banalisation de l’avortement en Russie soviétique, ou du moins un recours massif à l’avortement, comme une culture de l’avortement, opposée à une culture « civilisée » de la contraception. En combinant travail d’archives et recueils biographiques, Mona Claro cherche à rendre le vécu des sujets concernés. Elle s’inscrit dans une perspective qui montre à voir l’agentivité à l’œuvre de ces sujets femmes et prône un nécessaire décentrement d’un point de vue occidentalo-centré qu’il s’agit d’adopter lorsque l’on aborde ces questions.

JE « Genre, santé, sexualités : de l’injonction aux résistances »

 EFiGiES, association de jeunes chercheuses et chercheurs en études féministes, genre et sexualités, et le comité d’organisation vous invitent à sa journée d’études « Genre, santé et sexualités : De l’injonction aux résistances ». Elle aura lieu le 6 décembre prochain, de 9h à 18h30, au site Pouchet du CNRS, 59-61 rue Pouchet, Paris 17è (métro ligne 13, stations Brochant ou Guy Môquet). Elle sera suivie de festivités en soirée. Vous trouverez le programme complet en pièce jointe. L’association organise son Assemblée Générale le lendemain, de 15h à 19h, à la Maison des Initiatives Etudiantes, 50 rue des Tournelles, Paris 3è (métro ligne 1,5,8 station Bastille). En espérant vous y retrouver nombreuses et nombreux !

Féministement,

Le comité d’organisation EFiGiESte,

Adeline Adam, Karine Duplan, Lola Gonzalez-Quijano, Guillaume Roucoux, Marie-Sherley Valzema.

programme à télécharger ici