2007 Doctorat/rapports de pouvoir

Samedi 24 novembre 2007
Journée d’études ANEF – EFiGiES
« La formation doctorale à l’épreuve des rapports de pouvoir : contextes institutionnels, genre et générations »

PRÉSENTATION :

La volonté d’organiser une journée d’études sur les rapports de pouvoir qui traversent la formation doctorale dans l’université française est née de la réflexion croisée de doctorantes et d’enseignantes-chercheuses sur l’expérience des rapports hiérarchiques, des conflits de travail et des situations de violence, en particulier de harcèlement sexuel, à l’université. Cette journée est ainsi co-organisée par l’ANEF qui rassemble des actrices de la société civile et des chercheuses dans le domaine des études sur les rapports de genre, ainsi que par l’association EFiGiES qui regroupe essentiellement des doctorant·e·s mais aussi des étudiant·e·s de premier et second cycle.
La question du harcèlement sexuel dans le suivi doctoral a été l’élément déclencheur de la réflexion engagée en ce qu’elle a révélé un certain nombre de logiques, de mécanismes, de situations auxquels des doctorant·e·s ont été confronté·e·s : précarité statutaire et économique, dépendance financière à l’égard du/de la directeur-trice de thèse, absence d’encadrement scientifique, isolement et absence d’instances de recours possible, immobilisme de l’institution face à ces questions. Ce constat invite à réfléchir à l’encadrement doctoral et à son organisation, mais de manière plus fondamentale pose la question du statut des doctorant·e·s (au regard par exemple du droit du travail…)
L’objectif de cette journée est donc d’une part de  favoriser la diffusion des savoirs et des connaissances auprès des étudiant·e·s, comme des enseignant·e·s sur le fonctionnement institutionnel de l’université, et d’autre part d’examiner comment ce fonctionnement institutionnel est générateur de rapports de pouvoir et d’inégalités sociales entre les personnels enseignants, entre les étudiant·e·s, et dans la relation pédagogique qui lie le ou la doctorant·e avec sa ou son directeur/trice de thèse. Il s’agit, en procédant à l’examen du caractère structurel des ces rapports de pouvoir, d’identifier les mécanismes qui non seulement participent à la production de ces inégalités sociales, mais aussi favorisent dans certains contextes l’émergence de situations d’abus de pouvoir telles que l’appropriation par un·e enseignant·e du travail de recherche mené par un·e étudiant·e ou encore le harcèlement sexuel. Quelle connaissance les doctorant·e·s ont-ils/elles des diverses instances de l’université (conseil scientifique, commissions de spécialistes…) et de leur fonctionnement ? Comment accèdent-ils/elles ou n’accèdent-ils/elles pas à l’information sur ces instances et sur les procédures qui les régissent ? Quels recours ou issues s’offrent à eux/elles en cas de dysfonctionnement de la relation pédagogique, qu’il s’agisse de l’absence d’encadrement, de l’émergence d’un conflit ou d’une situation d’abus de pouvoir à leur égard ? Dans quelle mesure les conditions de travail des enseignant·e·s chercheur·e·s favorisent-elles aussi ces situations préjudiciables aux étudiant·e·s ? Penser les rapports de pouvoir à l’université implique également de saisir comment les inégalités de statuts (professeur-e, maître-sse de conférences, post-doctorant-e, ATER, vacataire, doctorant·e, étudiant·e de premier et second cycle) se combinent avec les autres formes d’inégalités sociales : les inégalités de genre (accès plus aisé pour les hommes que pour les femmes aux statuts de professeur ou de directeur de recherche, division socio-sexuée du travail d’enseignement et de recherche; orientations disciplinaires différenciées des étudiants et étudiantes), les inégalités entre générations cantonnement durable des jeunes chercheur·e·s dans les statuts précaires, division générationnelle et statutaire du travail d’enseignement et de recherche), les discriminations raciales, les discriminations homophobes ou les inégalités liées aux appartenances de classe sociale (connaissance différenciée des étudiant-e-s du fonctionnement universitaire selon les milieux sociaux d’origine ; inégalités de ressources financières). Appréhender ensemble ces diverses formes d’inégalités permettra de mieux comprendre ce qui se joue dans la relation pédagogique. Quels sont les effets de ces multiples inégalités statutaires sur l’expérience de la thèse, sur l’insertion professionnelle des jeunes chercheur·e·s ? Comment le fonctionnement institutionnel de l’université participe-t-il à ce que des situations de violences tel le harcèlement soient possibles? Si l’on considère à la suite de Catharine A. MacKinnon que le harcèlement sexuel constitue une discrimination de sexe qui porte préjudice aux carrières professionnelles des femmes, l’analyse de ce fonctionnement institutionnel en termes de genre doit permettre d’identifier en quoi celui-ci porte préjudice à l’insertion professionnelle des jeunes chercheuses. La coopération associative indique, sur le plan de la méthode, le souci de veiller à ce que cet espace de réflexion soit d’emblée construit comme un espace commun aux différentes générations d’étudiant·e·s, d’universitaires et de personnels des universités, tirant partie des expériences croisées, des connaissances et de leurs zones d’ombres – communes, mutuelles, polémiques.
Cette journée se déroulera en quatre sessions de discussion. La première sera consacrée aux enjeux de l’organisation de la formation doctorale au regard des rapports de pouvoir et vise la mise au jour de ses dysfonctionnements. La deuxième traitera des discriminations de genre à l’université qui traversent tant la relation pédagogique que les évolutions de carrières des personnels enseignants. Lors de la troisième session, nous interrogerons les effets de la perspective féministe sur les modalités de l’encadrement doctoral à travers la confrontation des expériences de plusieurs enseignantes chercheuses féministes. Enfin, la quatrième session posera la question du harcèlement sexuel à l’université et évoquera les recours possibles, mais aussi les dispositifs à envisager, face à cette situation.

Actes de la Journée à télécharger en cliquant ici.

PROGRAMME :

9h30 : Allocutions d’ouverture par les présidentes de l’ANEF et d’EFIGIES

10h : La formation doctorale en quête de statuts
Modération: Béatrice de Gasquet (doctorante en sociologie, CEIFR-EHESS Paris)
Les doctorant-e-s face à l’institution: Etat des lieux des attentes au sein d’EFIGIES, par Reguina Hatzipetrou-Andronikou (doctorante en sociologie au CMH-EHESS Paris) et Odile Steinauer (doctorante en sociologie au CEMS-EHESS Paris)
Historique de la construction du statut des doctorant-e-s à l’INED, par Armelle Andro (démographe, INED-Paris I)

11h : Les discriminations hommes / femmes à l’Université
Modération: Alban Jacquemart (doctorant en sociologue, CEMS-EHESS Paris)
Relation pédagogique et rapports sociaux de sexe, par Delphine Naudier (sociologue, CSU-CNRS):
Pour en finir avec le plafond de verre, par Catherine Marry(sociologue, CMH-CNRS):
Les missions égalité à l’université: bilan et perspectives, par Armelle Le Bras-Chopard, chargée de mission au ministère de l’éducation nationale pour la promotion de l’égalité des chances hommes femmes dans l’enseignement supérieur (politologue, UVSQ)

13h : Déjeuner

14h : Féminisme et formation doctorale
Modération: Armelle Andro (démographe, INED-Paris I) et Christelle Hamel (sociologue, INED-CNRS)
Table ronde : Anne Marie Devreux (sociologue, CSU-CNRS), Maryse Jaspard (démographe, INED-CNRS),
Rose-Marie Lagrave (sociologue, CEMS-EHESS), Catherine Louveau (sociologue, Paris XI)

16h : Le harcèlement sexuel à l’université
Modération: Emmanuelle Latour (sociologue, SG de l’Observatoire de la parité)
Propositions du collectif CLASCHES pour le traitement du harcèlement sexuel à l’université, par Christelle Hamel (sociologue, INED-CNRS)
Vers une politique publique de prise en charge du harcèlement sexuel à l’université, par Jacqueline Heinen (sociologue, UVSQ)
L’université une zone de non-droit ?, par Martine Moscovici (avocate)
Les missions de la HALDE, par Sophie Latraverse (juriste, adjointe du Directeur Juridique de la HALDE)

18h : Cocktail

Programme de la JE à télécharger en cliquant ici.

Cette journée est organisée avec le concours financier de l’Institut Émilie du Chatelet, de la Région Île-de-France, du Musée national d’Histoire naturelle, de l’Institut National des Études Démographiques, de l’Université Paris 1, du laboratoire CNRS « Cultures et société urbaines » de l’Université Paris 8, avec le soutien de l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, service du Premier ministre et de l’Université Paris Diderot-Paris 7.